Prénoms de fée : un choix magique

Morgane, Mélusine, Viviane, Ondine…

Ces fées qui ont bercé notre enfance se retrouvent aussi dans les prénoms que l’on donne aujourd’hui à nos petites filles.

Vous souhaitez choisir pour votre bébé un prénom féerique ?
Petit tour d’horizon des possibles.

Marie-Odile Mergnac
 

Abonde est quant à elle une fée bien oubliée, qu’on ne retrouve que dans des textes du Moyen Âge. Jeune et généreuse, elle visitait les pauvres gens pour les secourir, mais son prénom n’a pas encore été donné à l’état civil.

Son étymologie renvoie au latin abundus, qui a aussi donné le mot abondance. Une parenté de sens fort sympathique. Mais comme le prénom, phonétiquement, sonne un peu comme le mot bonde, ce voisinage auditif peu plaisant avec les chasses d’eau empêchera sûrement son apparition…

Arie est un prénom porté par une fée bienfaisante typiquement franc-comtoise.

Les légendes locales racontent que c’est elle (et pas le père Noël) qui porte aux enfants des cadeaux le jour de Noël. Tout emmitouflée, elle fait le tour des maisons, un bâton dans une main, le licol de l’âne chargé de présents de l’autre.

Elle est très âgée, mais garde un visage éternellement jeune. Son seul défaut : des pattes d’oie en guise de pieds.

Arie commence à se donner comme prénom depuis la Seconde Guerre mondiale (une quinzaine de fillettes par an actuellement).

Aveline, très vieux prénom signifiant « noisette » continue à se donner épisodiquement à deux ou trois petites filles.

Il est cité dans l’une des histoires du livre intitulé Le Cabinet des fées, compilation de contes du XVIIIe siècle.

Il a été repris dans les années 1960 par Goscinny dans une bande dessinée racontant les aventures d’une jeune et jolie fée contemporaine tentant de vivre dans notre monde comme une jeune fille moderne.

Alors ? Aveline ? Pourquoi pas ?

Encore un prénom qui n’est pas apparu à l’état civil. La fée Befana distribue aux enfants italiens des cadeaux à l’Épiphanie (6 janvier). Cela pourrait être sympathique.

Mais là où ça se gâte, c’est qu’elle est aussi laide que Carabosse, toute noire, couverte de suie et perchée sur son balai comme une sorcière.

La légende veut qu’elle ait refusé d’accompagner les Rois mages à Bethléem puis que, prise de remords, elle ait voulu les rattraper sans jamais y parvenir. Et elle distribue depuis cette date tous les jouets qu’elle avait emportés pour l’enfant Jésus.

Peut-on imaginer que soit un jour donné comme prénom celui de la fée Bleue de Pinocchio, dont Steven Spielberg a renouvelé le mythe dans son superbe film Intelligence artificielle ? Rien n’est moins sûr.

On donne Blanche et Rose comme prénoms aux petites filles depuis des siècles, Garance (c’est-à-dire rouge foncé) depuis la Révolution, mais Bleue n’a jamais encore fait son apparition.

Peur d’une couleur qui peut évoquer celle de la peau d’un malade ? Peur que la petite fille se fasse surnommer Schtroumpfette à l’école ?... Dommage.

Encore plus dur et même carrément improbable, le prénom Carabosse n’a jamais encore été donné !

Carabosse, c’est le prototype de la méchante fée des contes merveilleux d’autrefois : la plus vieille, la plus laide, la plus méchante, la plus bossue... Elle est surtout connue pour avoir maudit la Belle au Bois dormant sous le seul prétexte qu’elle n’avait pas été invitée spontanément à son baptême.

Autant dire qu’il semble impossible que des parents puissent un jour choisir ce prénom pour leur fillette !

Clochette, c’est mignon. Surtout depuis que Walt Disney a popularisé l’image de la jolie fée libellule aux ailes transparentes, habillée d’une corolle de feuilles vertes.

Mais c’est sûrement bien difficile à porter à l’école : on entend d’ici les plaisanteries dès que sonnera la fin du cours ou la fin de la récréation… et on devine déjà les surnoms du genre ding-dong…

Bref, comme les parents ne sont quand même pas complètement sonnés, ils n’ont pas encore donné ce prénom à la moindre petite fille.

La fée Dragée est l’un des personnages du conte de Casse-Noisette, superbement mis en ballet par Tchaïkovski et George Balanchine et repris par Walt Disney pour Fantasia.

Reine du royaume des Délices, la belle fée Dragée vit dans un univers enchanté près du fleuve d’Essence de Rose.

Tout est très beau, mais le prénom Dragée n’est pas pour autant passé dans le monde réel. Trop précis peut-être. On n’imagine pas non plus appeler sa fille Berlingot ou Fraise Tagada.

Création récente de dessins animés, Elfie, la fée des Fleurs et de la Forêt, peut séduire les tout petits.

Et le côté « elfe » du prénom y ajoute encore une pincée de rêve et de magie…

Bref, toujours est-il que le prénom existe bien à l’état civil : Elfie se donne depuis les années 1980 et dépasse actuellement la trentaine de naissances par an.

La mode des livres fantastiques ne peut que contribuer a priori à son essor...

Et pourquoi pas Fée ? Il faut oser bien sûr.
Car le beau bébé deviendra-t-il vraiment plus tard une mince et jolie jeune fille méritant son prénom ?...

Une astuce peut être de prendre le prénom anglo-saxon Faye (comme l’actrice Faye Dunaway) car, prononcé à la française, il donnerait bien la sonorité « fée ».

L’étymologie du prénom anglais lui donne le sens de « fidèle, digne de confiance ».

Faye est par ailleurs en France un vieux mot moyenâgeux désignant le hêtre, et c’est aussi l’un des noms de famille les plus portés du Sénégal.

Mi-fée mi-sorcière, Guillaneu parcourt à cheval les campagnes poitevines et vendéennes pendant l’Avent et jusqu’au Nouvel An. Son cheval était fou, et totalement incroyable puisqu’il galopait sans queue ni tête !...

Sous l’Ancien Régime et parfois jusqu’au XIXe siècle, les enfants d’autrefois quêtaient quelques piécettes ou de la nourriture pendant cette période, en passant de maison en maison et en évoquant son nom.

Autres variantes de ce vieux prénom : Aguillaneu, Aguillanu, Guignolée (Québec)… Aucun n’existe encore à l’état civil.

Voici encore une fée issue tout droit de l’ouvrage du XVIIIe siècle Le Cabinet des fées.

Manipe apparaît dans le conte intitulé Le prince Perinet, et y est décrite comme une enchanteresse à la beauté éblouissante, se déplaçant dans un bateau tiré par des cygnes.

Elle y a un rôle sympathique, mais la proximité phonétique du prénom avec le mot manipulation risque fort de ne jamais lui permettre de voir le jour à l’état civil…

Car jusqu’aux années 1970, le prénom Mélusine n’était jamais sorti des contes.

Il désignait la belle fée épouse du comte de Lusignan. Une fée qui se transformait en cachette en créature fantastique, mi-femme mi-serpent, mais qui savait aussi prendre la forme d’une anguille aux yeux bleus dans les cours d’eau poitevins…

Donné pour la première fois comme prénom en 1971 dans le monde réel, le prénom Mélusine est aujourd’hui attribué à une cinquantaine de fillettes par an.

Portant un joli prénom signifiant « née de la mer », présente dans le cycle breton sur le roi Arthur et les chevaliers de la Table ronde, la fabuleuse fée Morgane est la demi-sœur de l’enchanteur Merlin.

Elle apparaît dans les chansons de Merlin et d’Ogier le Danois comme une fée bienveillante et guérisseuse.

En tant que prénom féminin, Morgane apparaît en France à la fin des années 1960, dépasse les 3 600 naissances annuelles au début des années 1990 et prénomme toujours un millier de petites filles par an actuellement.

Cette fée-là, il n’y a que les passionnés de jeux vidéos japonais qui la connaissent !

Dans la saga The legend of Zelda, Navi prend la forme d’une toute petite boule de lumière, dont on voit émerger ses minuscules ailes de fée, et qui aide le héros de l’histoire en le conseillant.

Comme prénom, Navi n’a encore jamais été donné à l’état civil. Est-ce que cela se produira ? Ou bien est-ce que le nom restera pour toujours enfermé derrière un écran informatique ? Mystère…

Ondine désigne une fée des eaux, une belle nymphe qui ensorcelle le cœur des hommes.

La superbe pièce de théâtre de Jean Giraudoux lui a donné une dimension littéraire exceptionnelle, l’ondine ne pouvant être que blessée par le caractère imparfait de l’amour humain.

Très rare avant 1972, ce prénom croît légèrement à partir des années 1980.
Il est actuellement donné à une trentaine de petites filles par an.

Titania est la reine des fées dans Le songe d’une nuit d’été de Shakespeare.

Cette superbe fée est malheureusement victime d’un sort qui veut qu’elle tombe amoureuse du premier venu qu’elle apercevra à son réveil.

Avec la mode actuelle des prénoms féminins se terminant en -a, Titania pourrait apparaître à l’état civil si sa proximité phonétique avec le paquebot Titanic et l’adjectif titanesque ne lui nuit pas trop…

Reine des fées, Uliciane est célèbre par sa beauté comme par sa science, mais fort cruelle depuis qu’elle a résolu d’épouser un roi.

Elle apparaît dans le conte nommé Tourbillon, de Madame de la Force, inclus dans l’ouvrage du XVIIIe siècle Le Cabinet des fées.

Le conte est bien oublié et le prénom n’est jamais sorti de l’univers féerique. En sortira-t-il un jour ? Rien n’est moins sûr, car nos contemporains lisent de moins en moins les œuvres du XVIIIe siècle.

Évoquée dans un opéra de 1765, la fée Urgèle est un peu oubliée aujourd’hui.

Voltaire racontait qu’elle protégeait les guerriers et les chevaliers de l’ancien temps.
Balzac la décrit comme une fée bienfaisante qui joue les muses pour les gens de talent et les comble de bienfaits.
Raymond Roussel l’évoque comme une fée qui distribue largement or et richesses à ceux qu’elle a choisis.

Comme ses sonorités ne sont guère à la mode aujourd’hui, il est fort probable que, malgré ses bienfaits, Urgèle ne sorte pas des vieux contes…

Dans les Romans de la Table ronde, la fée Viviane a reçu à la naissance le don de pouvoir séduire le plus sage des hommes « qui lui serait soumis dès qu’il l’aurait vue ».

Le plus sage des hommes, c’était Merlin, qui en devint éperdument amoureux.

Elle apprit de lui toute sa science de magicien dans la forêt de Brocéliande, puis l’endormit à jamais dans une prison d’air.

Oublié après le Moyen Age, réapparu au XIXe siècle, le prénom Viviane connaît un succès remarquable dans les années 1940-1960 (jusqu’à 2 300 naissances en 1955).