Les prénoms tahitiens

Certains prénoms évoquaient des animaux. Il ne faut pas les prendre au premier degré : ils renvoient en réalité à des personnages majeurs de la mythologie polynésienne.

Parmi eux : Puhi (anguille), Upaparu (poisson), Ro’ura (fourmi rouge, nom de chef), Mo’ora’ura (canard rouge), Tio tahu’a (huître), Ma’o (requin), Mo’o (lézard), Te uri (le chien), Te vivi rau (la sauterelle), Ehe (chenille), Manu (oiseau), Vini (perroquet siffleur)…

Les Polynésiens ne portaient autrefois qu’un prénom, qui changeait au cours de la vie.

Celui donné au nouveau-né faisait place à un autre si l’enfant grandi était adopté, à un autre encore au moment du mariage et de tout événement majeur, heureux ou malheureux, de l’existence.

Tous ces prénoms étaient signifiants, c’est-à-dire qu’ils exprimaient une caractéristique, un souhait, une qualité, un défaut… à l’époque compris de tous. Quelques exemples.

Marie-Odile Mergnac

Les prénoms donnés aux nouveau-nés rappelaient une circonstance de la naissance, par exemple Teuira (l’éclair) ou Mauiui (douleur), ou bien une caractéristique du bébé, comme Mahuru (le bébé qui tête), Te Rii (le petit), Hiti (petite), T’aiu (le nourrisson), Aru (l’aboutissement d’un désir), Teina (le jeune frère), Tahi toe (le survivant, sous-entendu : de plusieurs fils)…

Quand un orphelin était adopté, ce qui était fréquent autrefois, sa famille d’accueil lui donnait un nouveau prénom, toujours plus beau et plus majestueux que son prénom de naissance.

On le nommait par exemple Te Ari’i (le roi), Taaroa (nom d’un dieu tahitien), Te Haamana (le puissant)… Les filles allaient porter comme prénom Teipo (la chérie) ou Hina (nom d’une déesse tahitienne).

On plaçait ainsi le nouveau départ dans la vie sous une dénomination faste !

Les familles royales utilisaient des prénoms poétiques ou célestes que ne se permettaient pas les gens du peuple.

Ils sont parfois très longs. On trouve par exemple Mahana e anapa i te po’i (le soleil qui étincelle le matin), Ava’e e hiti te Ahiahi (la lune qui se lève) ou, plus bref : Tamatoa (fils de corail).

Pour les filles, on peut mentionner : Poe (perle) ou Poema (perle des mers profondes), Reva (voûte céleste), Tetua apua (princesse enchantée)…

Non seulement les jumeaux, par définition, se ressemblent, parfois jusqu’à une parfaite identité.

Mais, sur les îles polynésiennes, cette caractéristique exceptionnelle était encore accentuée par le fait qu’on donnait alors le même prénom aux deux enfants !

On nommait par exemple chacun d’eux : Tamari’i, qui est le pluriel du mot « enfant ». Ou bien on les appelait chacun : Ari’i rua, qui signifie « deux princes ».

Vous êtes passionné de généalogie ? Sachez qu’il existait dans les îles des prénoms que l’on attribuait à ceux qui pouvaient récapituler les généalogies des familles de leur clan, dans le respect des règles héraldiques.

Car les familles avaient une telle importance qu’elles devaient chaque année récapituler leur généalogie devant le roi.

Les récitants se prénommaient Ra’ia tea ou bien Mureo, ce qui signifie « murmure des voix »… Joli !

Le roi tahitien Pomaré avait un prénom signifiant « toux nocturne » ; cette appellation avait remplacé son prénom d’enfant à la suite d’une quinte de toux !

Un homme perdant une épouse chérie changeait de prénom pour celui de Paoao (le veuf).

Un vieillard nommé Pere (joueur) s’était vu désigner sous le prénom peu sympathique de Haumani (sénile) lorsqu’il s’était mis, avec l’âge, à trembler.

On le voit : on ne changeait pas forcément pour aller vers le mieux…

Certains prénoms pris à l’âge adulte rappelaient le métier de leur porteur.

Ils permettaient, dans des communautés de taille réduite, de savoir exactement de qui l’on parlait.

Quelques exemple : Te rereao (longs voyage), Te rere vahine (la femme qui voyage), Fanofano (naviguant), Puna ru’u (terrain de pêche), Pahi (navire), Tere roa (grande mission), Tô (canne à sucre), Toa (guerrier), Vana’a (orateur)…

Les prénoms d’adultes pouvaient aussi insister sur une caractéristique corporelle.

Par exemple pour les hommes : Te iho tû (nez droit), Uru a tû (tête droite), Ma’i (maladif), No’a (bonne odeur), Te’ehu (le blond)…

Ou pour les femmes : Teoho (chevelure), Rahonui (au grand vagin), Atanua (laide), Hina tea (claire de peau), Na mata (aux petits yeux)…

On le constate : ces prénoms ne sont pas toujours bienveillants et s’apparentent davantage à des surnoms.

Les prénoms d’adultes pouvaient traduire aussi bien une qualité… qu’un défaut hélas.

Par exemple : Tahi (résistant), Puruhu (cœur faible), Vaitaio (amitié conservée), Te roro (le cerveau), Uru (inspiré), Varua (esprit), Niva’a (déséquilibré), Mata (joyeux), Hoata (plaisantin), Mato (fort comme la roche), Rû roa (rapide, pressé), Hihipa (vaniteux), Taero (ivre), Tairoire (rancunier), Aihira (déclinant), Aru pô (vigilant)…

Certains prénoms étaient inspirés par la piété.

Parfois, à travers la prière : Mâui (prière), Pure ora (prière pour la vie, nom d’homme) ou Tui hana te ra (prière du soir, nom de femme).

D’autres fois, à travers une caractéristique divine : Atua (l’éternel), Ta’aroa (l’unique), Ra’i (ciel), Ra’ihau (ciel pacifique), Marama (lune), Tû (stabilité), Reva ou Te reva (atmosphère).

Dans tous les cas, le choix cherchait à placer l’enfant ou l’adulte sous la protection divine.